R I C D I N R I C D O N
THEATER MESCHUGGE
DIRECTION ARTISTIQUE ET MISE EN SCENE : Ilka SCHÖNBEIN
JEU
ET MANIPULATION : Pauline DRÜNERT
JEU
ET MUSIQUE : Alessandra LUPIDI
CREATION MUSICALE : Alessandra LUPIDI
CRÉATION DES MARIONNETTES : Ilka SCHÖNBEIN
ASSISTANTE A LA MISE EN SCENE: Anja SCHIMANSKI, Britta ARSTE
CREATION ET REGIE LUMIERE : Anja SCHIMANSKI
DECOR : Suska KANZLER
Création Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières en septembre 2017
Production : Theater Meschugge
Coproduction et résidence : FMTM – Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, La Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau, l’Agora de Billere. Avec le soutien de la DRAC Ile de France.
Contact
Cie. Au Fur & en Mesures
contact@au-fur-et-en-mesures.com
chargée de production de tournée et diffusion
Mariana Rocha
tél +33 (0) 6 09 55 17 93
Un meunier pauvre, père d'une fort jolie fille, assura un jour au roi, pour se donner de l'importance, que sa fille pouvait, en filant la paille, la transformer en or. Le roi fit amener la fille du meunier au château et la conduisit dans une pièce remplie de paille, lui disant qu'elle aurait jusqu'au matin pour la transformer en or, sinon elle mourrait. Il l'enferma, la jeune fille se mit à pleurer. Un petit homme apparut alors et lui offrit de transformer lui-même la paille en or. En échange, elle lui donnerait son collier. Au petit matin, à la vue de l'or, le roi se réjouit. Il conduisit la jeune fille dans une autre pièce encore plus grande, remplie de paille. Comme la nuit précédente, le petit homme fit le travail et fut payé avec une bague. Le jour suivant, le roi la mena dans une pièce toujours plus grande et lui dit que, si elle arrivait encore une fois à transformer la paille en or, il la ferait reine. Mais à présent, elle n'avait plus rien pour payer le petit homme. Il lui fit promettre de lui donner le premier enfant auquel elle donnerait naissance.
Un an après, la reine mit au monde un bel enfant. Le petit homme apparut et lui demanda de remplir sa promesse. Elle tenta de lui offrir toutes les richesses du royaume, mais il insista: "Non, quelque chose de vivant m'est bien plus cher que toutes les richesses au monde ."Elle pleura tant que le petit homme lui donna encore trois jours. Si pendant ce temps elle devinait son nom, elle pourrait garder l'enfant. Elle envoya alors un messager parcourir le pays à la recherche de tous les noms possibles. Le troisième jour, il rapporta à la reine qu'il avait vu danser un petit homme autour d'un feu en chantant:
"Aujourd'hui, je fais mon pain, demain je ferai ma bière,
après-demain, j'irai chercher l'enfant de la reine;
Oh, comme il est bon
Que personne ne sache que Ricdin-ricdon est mon nom!"
Quand le petit homme revint auprès de la reine, et que celle-ci sut donner son véritable nom, le petit homme de colère se déchira et Happy End (en tout cas pour la reine et son enfant).
Ricdin Ricdon @ Marinette Delanné – 2017
Note d'intention d'Ilka Schönbein 2016
"Filer la paille et la transformer en or? Voilà un art qui me plaît bien, dit le roi."
"Quelque chose de vivant m'est bien plus cher que toutes les richesses au monde, dit le petit homme."
Voilà les deux phrases essentielles de ce conte. Entre elles s'écoule tout le récit.
Il y a longtemps que ces deux phrases résonnent dans mon oreille. Il y a deux ans, j'ai mis les mains dans la terre pour en faire un petit spectacle. À peine trois semaines à travailler pour l'achever. Puis la crise totale, crise psychique, crise physique. Ce n'était pas la faute de cette création. Elle n'était que la goutte d'eau qui fait déborder le vase. La tournée suivante ("Sinon je te mange...") a dû alors être annulée. Depuis je n'ai (presque) plus touché à aucune marionnette.
Y a-t-il une vie après la marionnette?
Je l'ai cherchée, cette vie sans marionnettes, je la cherche toujours, pour vivre, pour survivre... Quelque chose de vivant m'est bien plus cher que toutes les marionnettes du monde.
Pourquoi je raconte cette histoire très personnelle?
Ce conte parle de l'art. Peut-être de toutes les formes d'art, car chaque véritable artiste transforme la paille en or. Mais je crois aussi que chaque véritable artiste est porté par un petit (ou un grand) démon. Et ce démon veut être payé. Et ce qu'il aime le plus, ce genre de démon, c'est vraiment quelque chose de vivant. Alors on paie avec son âme vivante, avec son corps vivant, avec son avenir vivant (l'enfant dans le conte).
Pourquoi on est prêt à payer si cher?
Parce que chaque véritable artiste se sent dans une situation pareille à celle de la fille du meunier, il se retrouve emprisonné dans une pièce remplie de paille qu'il faut absolument transformer en or. La porte ne s'ouvrira pas tant que le travail n'est pas fini. Lorsque la porte s'ouvre, elle s'ouvre ... à la vie! Quel bonheur! Mais un bonheur qui ne durera que quelques instants. On se retrouve dans une autre pièce, toujours plus grande, remplie de paille... Ce qui veut dire pour l'artiste: après la création est toujours avant la création. Et personne ne va convaincre le véritable artiste qu'il y a une vraie vie hors de sa cage d'or. Ce sont des êtres bizarres, les artistes, n'est-ce pas?
Mais de temps en temps, les petits démons ressentent un peu de pitié pour les pauvres artistes et leur donnent une petite chance de s'échapper, quand les artistes sont suffisamment désespérés. Mais pour cela, il leur faut découvrir le nom du démon, c'est-à-dire sa vraie nature, ses origines, ses racines, d'où il vient... Pas évident.
Moi je le cherche toujours. Au démon, j'ai proposé plein de noms, mais à chaque fois, il éclate de rire et répond: "Non, non, je ne m'appelle pas comme ça!" Entre-temps le petit démon en forme de marionnette me guette toujours dans sa valise et depuis un moment il a commencé à faire pas mal de bruit. En fait, il danse et il chante, surtout la nuit:
"Aujourd'hui, je fais mon pain,
demain je ferai ma bière,
après-demain, j'irai chercher l'enfant de la reine ;
Oh, comme il est bon
Que personne ne sache
que Ricdin-ricdon est mon nom!"
Je n'arrive plus à dormir... Et si je donnais la valise à quelqu'un d'autre sans l'ouvrir? Peut-être à une autre marionnettiste? Bien plus jeune que moi, pleine de vie et pleine d'envie, une qui est encore plus riche que moi pour payer le démon avec des colliers et des bagues au lieu de choses vivantes... Qu'en pensez-vous?
Et si du coup c'était elle qui faisait danser le petit démon sur scène? Et si moi, je ne jetais qu'un oeil, avec la bonne distance, ne donnais que quelques conseils sages et entretenais le feu pour faire danser le petit homme autour?
Et on ne dirait à personne à quel point ce petit homme est puissant et comment il peut se mettre en colère si on ne le paie pas correctement pour ses services magiques et précieux.
On ne le dirait pas aux gens, pour ne pas les inquiéter... pour que malgré tout, ils accourent en nombre.